21 novembre 2021

L’ŒIL DE MATT

De retour du grand septentrion canadien, le fringant Matt, sans moufles ni bonnet, retrouve nos pâtis majeurs pour nous livrer céans sa vision singulière concernant le jour de victoire enchanté !!!

Comme un air de déjà vu
Il planait samedi soir au stade de France une ambiance qui, dès le premier essai éclair des Bleus, nous a fait penser à une certaine demi finale de coupe du Monde opposant l’Angleterre à la Nouvelle-Zélande en 2019. Disons tout d’un bloc, samedi soir, les Bleus ont été remarquables, épatants partout, et surtout dans la détermination et la justesse technique ; ce qui au rugby fait une grande partie du travail. Leur victoire est amplement méritée et pourrait concrétiser une dynamique restée jusque-là uniquement prometteuse. Fracasser les géants noirs, même épuisés, il fallait le faire. Gloire à eux et vive ces Bleus ! 

Ceci étant posé, et n’ayant pas vu le match contre l’Irlande, j’ai été très étonné par la médiocre prestation des Blacks. Dès l’entame, les gaziers avaient l’air épuisés. Ce qui était jusqu'ici très rare, l'est de moins en moins alors que leur force a longtemps été la physiologie, souvenons-nous des essais plantés en fin de première mi-temps et en fin de rencontre. Cette saison à rallonge, des mois privés des leurs, a semble-t-il participé à leur faire faire des fautes inhabituelles et laisser beaucoup de points en route. Deux essais presque faits, des placages ratés à la pelle, un pack concassé, des passes foireuses, un Jordie Barrett erratique (je ne comprends pas pourquoi McKenzie n’est pas rentré plus tôt), un George Bridge de moins en moins convainquant et une paire Whitelock/Rettalick vidée (il manque Tuipulotu et Scott Barrett sur le banc). Non, vraiment, les All Blacks ne sont plus ce qu’ils étaient depuis quelques temps. 
On dit que cette équipe, c’est d’abord un système. Soit. Enfin quand même, il manque à cette structure deux personnes depuis 2015 : Richie McCaw le Magnifique et Dan Carter le génie. Avec eux, la paire de centre Smith/Nonu et une première ligne insubmersible de l’époque laissent un vide immense. Les coachs n’ont pas su trouver de remplaçant équivalents. Beauden Barrett est épatant, mais pas immense ; au centre le grand Jack Goodhue manque à un Anton Lienert Brown constant. En 9, à part Aaron Smith l’inégalable, il n’y a pas de remplaçant. Peut-être le talentueux Te Toiroa Tahuriorangi qui semble rayé des tablettes… voilà quelques chantiers qui sont toujours sur le métier néo-zélandais et qu’il va leur falloir vaille que vaille terminer. 

Peut-être est-il temps de « rebooter » ce système, avec un nouveau capitaine. Dieu sait si on aime Sam Cane qui porte le numéro 7 comme un costume, mais sans doute a t-il plus sa place sur le banc qu’en capitaine titulaire. Un Maori nous semble bienvenu, ou bien fixer Ardie Savea, promouvoir Akira Ioane ou le jeune Ethan Blackadder… les potentiels skippers ne manquent pas ! Avec Razor en entraîneur et quelques acolytes excellents, tout ne sera pas résolu, mais on a vu l’impact qu’ont eu Rassie Erasmus et Eddie Jones sur leurs équipes respectives, et il est raisonnable de penser que ce qui a marché pour les Anglais et les Sudafs fonctionnerait assurément pour les Blacks. 

Le même week-end de la victoire étincelante des Français, les Anglais ont tapé l’Afrique du Sud et les Gallois l’Australie. Le centre de gravité du rugby se déplacerait-il en hémisphère Nord ? Peut-être… on va bien voir, mais les 6 Nations vont être intéressantes à regarder ! 
Il est tout à fait possible que les bestioles Blacks s’économisent en vue de la coupe du monde 2023, et quoiqu’il en soit, elles reviendront bien assez tôt, avec un appétit dévorant. Il est de toute façon très sain qu’une situation de quasi hégémonie soit ainsi brassée. On ne peut pas être un lecteur assidu d’Elisée Reclus et supporter qu’une seule Nation écrase toutes les autres. Pour le bien de tous, il est bon que chacun puisse vivre et jouer le mieux possible… à partir du moment où, à la fin, ce sont les Blacks qui gagnent ! 
Parce qu'il est quelques vérités persistantes sur lesquelles bâtir un avenir, une joie dans le combat et une beauté du geste. Et niveau vérité en rugby, les Blacks sont des maîtres ! 
© Matthieu Delaunay